Le Pôle agro-industriel du Bélier, la locomotive d’une transformation agricole intégrée et durable (Feature)

En Côte d’Ivoire, le centre du pays connaît une transformation silencieuse mais puissante, celle d’une agriculture traditionnelle qui laisse place à un écosystème agro-industriel intégré, moderne et inclusif.

Au cœur de cette mutation, le Pôle agro-industriel du Bélier (2PAI-Bélier), un projet ambitieux conduit sous la coordination d’Acka Valérie, dans le cadre du Programme national d’investissement agricole (PNIA), couvre la région du Bélier (Toumodi, Tiébissou, Didiévi, Djékanou) et le District Autonome de Yamoussoukro (Yamoussoukro, Attiégouakro). Les principales filières porteuses dans le cadre du projet sont le riz, les légumes, le maïs, le manioc, le poisson et le porc.

Mme Aka est aux manettes d’un chantier structurant qui redessine les contours économiques, sociaux et environnementaux de la région du Bélier et du district autonome de Yamoussoukro.

Un écosystème complet: production, transformation, commercialisation

L’ambition affichée est de transformer l’ensemble de la chaîne de valeur agricole, du champ à l’assiette, en passant par l’industrie et le marché. L’approche repose sur trois piliers interdépendants que sont la production, la transformation, et la commercialisation.

Une production agricole structurée grâce à des aménagements innovants

La première marche de cette transformation passe par la structuration de l’amont agricole, notamment à travers des aménagements hydro-agricoles majeurs. Profitant de la richesse du bassin hydrographique formé par le fleuve Bandama et les rivières N’zi et Kan, le projet a réalisé quatre barrages hydro-agricoles stratégiques à Raviart (Didiévi), Assokoyadiékro (Tiébissou), Bendressou (Toumodi) et Subiakro (Yamoussoukro).

Autour de ces infrastructures gravitent d’autres réalisations cruciales. Il s’agit de 120 hectares de périmètres maraîchers équipés de systèmes d’irrigation de micro-aspersion alimentés par l’énergie solaire; 1.266 hectares de périmètres rizicoles réhabilités avec des systèmes d’irrigation renforcés et une optimisation des terres cultivables; 92 étangs piscicoles construits sur six hectares au Centre de formation agricole de Koubi (Tiébissou), en complément de fermes à cages flottantes et deux écloseries de capacité unitaire d’un million d’alevins par an, pour renforcer la filière piscicole locale.

Et pour faciliter la mise en marché et promouvoir la valorisation des productions agricoles locales, le projet a construit des infrastructures de stockage et de commercialisation des produits vivriers notamment des magasins de stockage et d’entreposage, des marchés ruraux et deux centres de groupage et de conditionnement des produits vivriers.

Outre les infrastructures, le 2PAI-Bélier a permis une distribution massive d’intrants agricoles: semences améliorées (riz, maïs, légumes, manioc), engrais, produits phytosanitaires, et surtout un accompagnement technique personnalisé pour optimiser leur usage.

Enfin, l’élevage n’est pas en reste. Deux zones pastorales ont été aménagées, intégrant 11 points d’eau, 13 parcs de nuit, neuf zones de pâtures, et un axe de transhumance de 300 km, permettant une meilleure gestion des ressources fourragères et hydriques. Pour le renforcement et la commercialisation du bétail et de la viande des infrastructures marchandes du bétail et de la viande ont été mises en place. Il s’agit de trois complexes abattoirs-marchés à bétail construits à Toumodi, Tiébissou et Didiévi et quatre boucheries modernes à Yamoussoukro, Toumodi, Tiébissou et Didiévi et un point de vente de la viande de porcs à Tiébissou.

Une transformation industrielle en marche: l’Agroparc bientôt opérationnel

La chaîne de transformation, autre pilier du projet, s’illustre par la création d’un agroparc industriel dédié à la transformation agroalimentaire. Actuellement réalisé à 80%, ce parc sera livré entre juillet et septembre 2025. Déjà, dix industriels ont exprimé leur volonté de s’y installer, leurs dossiers étant traités conjointement par les ministères de l’Agriculture et de l’Industrie.

Cet agroparc symbolise la montée en valeur ajoutée des produits agricoles locaux, tout en promettant la création de centaines d’emplois directs et indirects dans la transformation, l’emballage, la logistique, et la distribution.

Des retombées sociales visibles et mesurables

Le projet ne se limite pas à la rentabilité économique. Il répond également à un impératif de mieux-être communautaire, avec des investissements ciblés dans les secteurs sociaux : châteaux d’eau, écoles, centres de nutrition, appui aux cantines scolaires. Ces infrastructures ont permis une nette amélioration des conditions de vie dans les villages bénéficiaires. Les retours sont encourageants: hausse du taux de scolarisation, meilleure santé infantile, revenus accrus pour les petits producteurs, notamment les femmes rurales et les jeunes engagés dans les chaînes de valeur.

Un modèle pilote pour les futures agropoles

Le 2PAI-Bélier s’inscrit comme la première étape d’une stratégie nationale plus large. Il servira de référence pour l’Agropole Centre, qui couvrira cinq régions: Bélier, N’Zi, Moronou, Iffou et Gbêkê. Un cabinet spécialisé travaille actuellement sur une étude d’expansion pour garantir la cohérence et la viabilité de ce futur pôle élargi.

L’approche ivoirienne, saluée à l’international, se distingue par son intégration complète de la chaîne de valeur: de l’agriculteur au transformateur, en passant par le logisticien et le commerçant. Contrairement à certains pays qui se sont contentés de bâtir des agro parcs sans résoudre les défis d’approvisionnement, la Côte d’Ivoire a fait le choix de la cohérence et de l’impact global.

Durabilité: entre appropriation locale et responsabilité partagée

Malgré les avancées, des défis de durabilité subsistent. Certaines communautés n’ont pas encore perçu de bénéfices concrets, faute d’une implication locale suffisante. Pour garantir l’impact à long terme, le projet mise désormais sur une meilleure appropriation par les bénéficiaires, la formation de relais communautaires pour l’entretien et la maintenance des infrastructures, l’implication renforcée des jeunes dans la gestion post-projet.

“Un pôle agro-industriel ne se construit pas en cinq ou dix ans”, rappelle Mme Acka. “Nous avons posé les fondations. C’est maintenant aux producteurs, industriels et institutions locales de faire vivre ces acquis”, ajoute-t-elle.

Une dynamique nationale en marche

Le Pôle du Bélier constitue aujourd’hui un laboratoire grandeur nature de la transformation agricole ivoirienne. En s’attaquant simultanément aux enjeux de productivité, de structuration des marchés, de transformation locale, d’inclusion sociale et de durabilité environnementale, il incarne une vision moderne et souveraine du développement rural.

Dans un contexte mondial de pression alimentaire et de quête de résilience, le 2PAI-Bélier apparaît comme un levier stratégique pour l’industrialisation agricole de la Côte d’Ivoire, et un modèle à suivre pour l’ensemble du continent.

(AIP)
gso/cmas

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *